Notre globe, auquel les savants s’accordent aujourd’hui à attribuer des centaines de millions d’années, a possédé au cours des siècles des animaux et des plantes bien différents de ceux qui le peuplent actuellement. La preuve en est fournie par les ossements, coquillages, feuilles et fleurs pétrifiés que l’on trouve dans le sol aux profondeurs les plus diverses et qui représentent les restes d’organismes qui, jadis vivants, n’existent plus de nos jours.
Cependant on aurait tort de s’imaginer que toutes les anciennes espèces ont disparu pour faire place à celles qui peuplent notre terre à l’heure actuelle. Au contraire, plu sieurs de ces êtres se sont maintenus dans des régions reculées des continents et des mers et donnent encore naissance à des descendants en tout semblables à eux.
Nos images montrent quelques-uns de ces organismes fort anciens dont la descendance s’est perpétuée jusqu’à nous. Le plus ancien est le Lis de mer (image 4), animal du groupe des Crinoïdes, ainsi nommé parce qu’il a tout à fait l’apparence d’une plante. Son corps gris est fixé au sol par une longue tige délicatement annelée et il déploie ses bras garnis de barbules, comme les pétales d’une fleur. Il peut atteindre 3 mètres de longueur et se rencontre en groupes serrés sur certains grands fonds marins. En comparant cette vignette avec la suivante (image 5), qui représente un Lis de mer fossile appartenant à la période primaire, on reconnaîtra distinctement que l’espèce vivante ne diffère pas, dans son ensemble, de son ancêtre pétrifié.
La période primaire ou paléozoïque est aussi représentée de nos jours par d’autres animaux. A cette époque re culée, des Crustacés géants, recouverts d’une lourde cuirasse, peuplaient les mers. Ces animaux pouvaient atteindre 2 mètres de long et possédaient des pinces énormes, articulées à la tête. Un descendant de ces monstres marins est la Limule (image 11), que l’on rencontre dans les eaux côtières de l’Océan Atlantique et du Pacifique. Le corps de la Limule est aussi recouvert d’une armure et atteint jusqu’à 75 cm. de longueur. Cet animal se meut dans la vase, à la recherche de sa nourriture, et fait songer à quelque étrange monstre antédiluvien.
La période secondaire a vu apparaître les poissons osseux ; ceux-ci se sont fortement modifiés au cours des temps. Cependant il existe encore aujourd’hui un groupe quelque peu aberrant, autrefois mieux représenté, caractérisé par le fait que ses représentants respirent soit par des branchies, soit par des poumons. L’un d’entre eux est le Cératode d’Australie (image 6). Cet animal, qui atteint parfois la taille d’un homme, n’utilise que ses branchies lorsque les eaux sont abondantes ; mais lorsque les chaleurs amènent, avec les basses eaux, la putréfaction des matières organiques, il ne trouve plus assez d’oxygène dans le milieu liquide et vient fréquemment à la surface emprunter l’oxygène atmosphérique dont nous vivons aussi. Un poisson ordinaire, respirant uniquement par des branchies, mourrait rapidement asphyxié dans cette vase.
Les images 1 à 3, qui représentent des Lézards et des Salamandres, remettent en mémoire le temps des dragons et des légendes qui s’y rattachent. 11 y a un siècle, on croyait encore que ces êtres à part l’Hattérie de la Nouvelle Zélande (image 1) bien qu’ayant joué un rôle important au cours des temps secondaires n’avaient plus de représentants dignes d’être cités. Cependant en 1827, on découvrit dans Nippon, une ile de l’archipel japonais, la Salamandre géante (image 3) ; par ses dimensions – jusqu’à 2 mètres de longueur – elle laisse bien loin derrière elle tout ce qu’on connaissait alors en fait de Salamandres et de Tritons.
Mais la surprise fut plus grande encore lorsqu’on annonça, en 1912, qu’on venait de découvrir dans le petit llot de Komodo, terre inhabitée située près de l’ile de Florès dans l’Archipel malais, le Varan noir (image 2), dont l’existence avait été jusqu’alors totalement ignorée. Ce grand Lézard, dont la taille énorme va jusqu’à 3 mètres de longueur, a donné un regain de faveur aux fables relatives aux dragons. Il a la langue fourchue qu’on attribue à ces êtres fantastiques et il ne lui manque vraiment plus que de cracher du feu et du soufre ! Ce reptile, qui peut dévorer sans peine un quartier de sanglier ou de cerf, a été étudié sur place, en 1924, par une expédition américaine.
On trouve aussi des témoins actuels du passé dans le groupe des Mammifères, mais ce sont des animaux plus inoffensifs que le Dragon ci-dessus mentionné. Le plus grand d’entre eux est l’Okapi (image 7), dont on n’a eu connaissance qu’en 1901. Cet animal extraordinaire, qui semble tenir le milieu entre le Zèbre et l’Antilope, s’apparente par sa structure interne à la Girafe. Il habite les forêts inondées de certaines régions du Congo et n’est guère plus grand qu’un âne. L’Ornithorhynque de l’Australie méridionale (image 12) est un Mammifère si singulier qu’il semble être le résultat d’un assemblage artificiel de pièces et de morceaux. En effet, bien qu’il soit revêtu de poils, il possède en fait de museau un bec de canard, il pond des œufs et cependant allaite ses petits ! Sa faible dentition lui permet de déchiqueter les vers et les mollusques enfouis dans les couches de vase qu’il fouille de son bec à la manière d’un canard. Les trois autres Mammifères, descendants de formes antiques, dont il nous reste à parler habitent la terre ferme. Le Tatou (image 10) est un animal nocturne, aux habitudes fouisseuses, que l’on rencontre dans les steppes de l’Amérique du Sud. Tout comme le petit Pangolin de l’Inde (image 8) il a un corps recouvert d’une cuirasse de plaques cornées, dans laquelle il peut s’enrouler en cas de danger à la manière du Hérisson. Le Paresseux tridactyle (image 9) enfin est un paisible et inoffensif Mammifère arboricole des régions équatoriales de l’Amérique du Sud. L’expression de son visage, rappelant celui d’une vieille femme, en fait un des animaux actuels les plus bizarres.
Pendant la période quaternaire, les ancêtres des quatre derniers animaux que nous avons cités avaient atteint l’apogée de leur développement. Les Edentés étaient alors représentés par des Mammifères de la grosseur d’un éléphant. Par bonheur, tous ces monstres avaient disparu de la surface du globe, avant que les représentants les plus primitifs de l’espèce humaine aient fait leur apparition sur la scène du monde. On a quelque peine à concevoir l’immensité des temps qui nous séparent de ces périodes reculées dont l’âge, évalué en années, s’exprime par des chiffres quasi astronomiques !
Dr A. Kolsch, Rüschlikon (adapté par le Dr J. Roux, Bâle).