De l’avion léger au géant de l’air

Série 7
LES MERVEILLES DU MONDE – 1ère édition – Vol. 1 – 1929
De l'avion léger au géant de l'air

L’avion est le plus moderne et le plus rapide de tous les engins de trafic. Au cours du grand conflit mondial, on eut l’occasion d’apprécier l’énorme importance de ces appareils aériens, aussi bien comme arme que comme moyen de transport ; lors de l’après-guerre, mettant à profit les précieuses expériences faites alors, on perfectionna toujours davantage ces engins. A l’heure qu’il est, et si l’on fait abstraction des appareils de trafic de moyenne grandeur qui ont à peu près atteint leur plein développement, on peut voir se dessiner clairement deux tendances dans lesquelles s’engage l’aviation : celle qui vise l’avion léger et celle qui aboutit à l’avion géant.

L’avion léger est le moins coûteux des moyens de transport rapides. Ce sera peut-être, demain, l’appareil dont usera le businessman pressé. Ce sera, de même, la machine de l’aviateur sportif, auquel il faut un appareil souple, bien en main, rapide et prenant aisément les virages.

En Angleterre, Vickers construit un appareil avec moteur de 35 CV ; il peut emporter deux personnes. Pour le transport ou le garage, les ailes sont rabattues. Comme machine légère, de construction française, on peut également citer le Caudron. C’est d’Allemagne que vient le Klemm Daimler L 20 qui, avec ses 20 CV, enlève deux personnes (image 1). Le L 20 est si léger que son pilote, à grande hauteur, peut descendre en plané avec moteur calé, comme s’il effectuait un vol à voile. Chacun connaît le petit Moth (image 2) que sortent les usines de Haviland, en Angleterre ; à Londres, on peut louer une de ces «mites», comme un taxi, pour effectuer de petites excursions aériennes. Enfin, aux Etats Unis, Ford aussi s’est attaqué au problème de l’avion léger et il a construit un petit appareil de 30 CV, bien compris et de fort jolie ligne (image 3).

Une nouveauté, dans ce domaine, c’est l’express aérien constitué par un avion à propulsion mécanique entraînant derrière lui, au moyen d’une longue amarre, une «remorque» également aérienne, mais sans moteur et dans laquelle prend place un passager. Il s’agit, somme toute, d’un cerf volant, maintenu dans l’atmosphère par le courant d’air et qui monte souvent plus haut que la machine qui l’entraîne (image 4).

L’avion géant, lui, est aux antipodes de ces petits appareils dont nous venons de parler. Il s’agit d’une machine destinée au trafic rapide, au-dessus des continents et des océans, et pouvant transporter indifféremment passagers et marchandises. La plupart des appareils de ce genre, aujourd’hui, sont multimoteurs et calculés de façon à recevoir de nombreux passagers. Leur aboutissement sera l’avion géant ! Comme exemple, on peut citer le monoplan trimoteur de Ford (image 5), pouvant emporter huit passagers, à 160 km. à l’heure. Le Sikorsky S. 88, également construit aux Etats-Unis, est plus grand encore. Avec ses deux moteurs Wasy (à 400 CV), cet hydravion capable de tenir la haute mer peut emporter onze passagers et deux pilotes.

En Angleterre, de Haviland construit l’Hercule, un biplan portant sur le plan inférieur deux moteurs latéraux, le troisième et le plus puissant ayant son bâti à la proue de la carlingue (image 6). L’appareil, qui peut enlever 14 personnes, fait le service régulier Londres-Paris et Londres Berlin. La Grande-Bretagne possède, actuellement, le plus grand aéroplane du monde, l’Inflexible (de Bardmore), un monoplan entièrement métallique, d’une envergure de 48 m. et que propulsent trois Condor Rolls-Royce de 600 CV (image 7).

En France, Farman sort le grand monoplan F 170 de 650 CV, dont les ailes sont renforcées par des longerons partant du fuselage (image 8) et qui peut enlever huit passagers. De Farman également, le Supergoliath, l’énorme biplan à quatre moteurs (image 9) pesant 12.000 kilos et pouvant également servir au transport de troupes.

L’Italie, qui n’a pas fait grand’chose en matière de construction d’avions légers, s’est par contre distinguée en ce qui concerne les gros appareils. Citons ici l’hydravion Savoia 55, de 1000 CV, avec lequel Pinedo gagna l’Amérique du Sud (image 10). A ce même type appartient le Savoia 64 (550 CV) de construction plus récente, sur lequel Ferrarin et Dal Prete battirent le record mondial de durée et celui, également mondial, de vitesse sur 5.000 km.

En Allemagne, il convient de citer avant tout Dornier, spécialiste en hydravions et qui sort le fameux Wal, portant huit hommes, avec lequel Amundsen, en 1925, est arrivé à 250 km. du Pôle Nord et sur lequel l’Espagnol Franco, en 1926, a franchi l’Atlantique, de Cadix en Amérique du Sud. Le «Wal» est constitué par une coque allongée à laquelle se rattachent les ailes. Deux moteurs de 360 CV chacun, en tandem, servent à la propulsion. Au «Wal» s’apparente le «Superwal» pouvant enlever 21 passagers, installés dans deux cabines séparées par une cale à bagages. L’appareil a deux moteurs totalisant 1300 CV.

Le type le plus récent sorti par Dornier, cependant, est le Do. R. Jas, pouvant loger 60 passagers. C’est le plus grand hydravion du monde (image 11); ses deux moteurs, de 1300 CV chacun, sont parallèles et sont placés sur les ailes. Pour la fabrication de ses grands appareils, le constructeur allemand Junkers est parti des mêmes principes qui caractérisent son excellent monoplan de trafic F 13, lequel, avec un moteur de 360 CV, emporte quatre personnes. Les ailes, dans ce modèle, sont parfaitement dégagées, sans longerons. Un autre type, le « G 24», compte trois moteurs totalisant 800 CV et peut emporter dix personnes : il a effectué le trajet Pékin-Berlin et retour sans incident. Le G 31 est un agrandissement du précédent ; sa carlingue est plus large, ses moteurs plus puissants (1350 CV au total) et il emporte, avec 2 pilotes, quinze passagers. Sous la cabine se trouve une spacieuse cale à bagages.

Mentionnons enfin, comme suprême aboutissement du principe fondamental, l’avion géant J 1000 (image 12) que projette Junkers, qui voit en lui le vrai type de l’appareil destiné à franchir les océans ; en 21 heures, de Berlin, il gagnera New-York!… Cet avion, auquel sa structure toute particulière a fait parfois donner le nom d’aile volante », pourra I enlever une centaine d’hommes ! Tout sera concentré dans cette aile gigantesque de 70 mètres d’envergure : moteurs (quatre de 3000 CV chacun) sur le front, où seront de même promenoirs, belvédères et fumoirs (!), le poste de pilotage se trouvant au centre. Plus en arrière, les cabines avec un couloir et enfin, les dépôts de vivres, les réservoirs à carburants et le poste d’équipage. Sur cet avion, il y aura, outre une salle à manger – et une cuisine, naturellement !… – un «dancing» !

Si l’on continue de ce train-là, notre bon vieux globe, décidément, va devenir trop petit. Et c’est à la lune qu’on s’attaquera ! L’ère de la navigation interplanétaire aura commencé. Messieurs les voyageurs pour Mars… en voiture, pardon… en avion !

par le D. Keller, ingénieur, Bruxelles (Adapté par R. Gouzy, Genève.)