Le jour et la nuit ne se succèdent pas brusquement, sous nos latitudes; ils sont séparés par le crépuscule, que révèlent des jeux de lumière dans les hautes couches de l’atmosphère terrestre. Il apparaît à l’occident et à l’orient avec un rythme bien réglé, avant le lever du jour, et on le constate à nouveau sur toute la voûte céleste au moment où la nuit se prépare.
La gamme des mille couleurs qui accompagne le lever et le coucher du soleil est d’une beauté sans égale; les nuances se suivent harmonieusement, selon un schéma bien défini, dont la connaissance permet d’expliquer toutes ces teintes qui varient à l’infini, avec l’état du temps et la forme des nuages, au cours des siècles…
Voici quelques mots sur l’aurore.
Vers trois heures du matin dans la rase campagne, pendant une belle période estivale, la nuit apparaît partout d’un noir bleuté et compact, tacheté d’étoiles scintillantes. Au bout d’un instant, l’obscurité commence à diminuer dans l’est; une bande lumineuse, d’une teinte pâle et indéfinissable, variant entre le jaune et le vert, fait son apparition dans le lointain horizon, à l’endroit même où le soleil va tantôt poindre. Cette bande s’allonge rapidement et fait fuir la nuit; elle monte dans l’azur pour éteindre une à une toutes les étoiles, selon l’expression du professeur Gruner de Berne, un éminent con naisseur des phénomènes crépusculaires.
Cette première étape du jour naissant est désignée par la pâle aurore. Il lui succède une seconde phase, qu’on appelle l’aurore intermédiaire (image 1) et dont le caractère essentiel est l’augmentation progressive de la luminosité sur l’horizon. Dans les couches basses, le ciel s’estompe de pourpre et de cinabre; plus haut, les bandes orangées ou jaunâtres se fon dent dans la voûte verdâtre qui, elle-même, s’efface à la limite encore visible du ciel nocturne. Un peu plus tard, c’est l’aurore pourprée qui fait son entrée avec ses riches colorations, sans doute les plus belles de la journée débutante (image 2). A l’horizon, elle est marquée d’une bande jaune safran, par fois striée de filets or et rouge sang et couronnée d’un disque rose violacé, irrégulièrement frangé dans ses bords. Ce tableau est limité dans les hautes parties du ciel par un mince cadre d’un violet terne, qui semble se délayer dans les lueurs olivâtres du matin. Au fur et à mesure que cette aurore pour prée s’accentue, une teinte rose se répand sur la campagne endormie. L’aube a lui.
Si des nuages ou des montagnes portent leur ombre au dessous de l’horizon, cette première partie du jour peut être un spectacle féerique; le disque de lumière pourprée vibre et se déplie comme un éventail projetant ses mille rayons rouges dans l’espace (image 3). Ces rayons alternent alors avec les faisceaux bleu vert du ciel ombré; parfois aussi, le pourpre n’apparaît que par place ou sous forme annulaire (image 4).
Pendant que ces changements se produisent, en donnant de plus en plus l’impression que le jour s’approche, la phase dite de l’aurore claire entre en scène (image 5). On le voit au jeu vif des couleurs, aux images de toutes formes que projettent les nuages. Dans cette quatrième étape, la lumière pourprée augmente encore en éclat et s’argente. Il semble qu’une immense bulle de savon, dont les nuances tranchent nettement avec le bleu intense du ciel, s’élance hors de la bande couleur citron qui court sur l’horizon.
Au lieu où le soleil va poindre, l’écran colorié s’agite de plus en plus et l’œil éprouve la sensation du jour. A cette image scintillante succède tout à coup, surgissant de derrière l’horizon, une gerbe éparpillée de rayons d’or et d’argent. Puis, au centre d’une auréole étincelante, l’astre majestueux franchit la ligne de feu. Après deux ou deux heures et demie d’agonie, les ténèbres se sont ainsi dissipées: le jour est conçu, le soleil suit librement sa route éternelle.
Lorsque la nuit revient, la même série d’images se suc cède, mais cette fois-ci en sens inverse (image 6). Les nuages, les bancs de brume, les traces de fines poussières émanant des volcans et planant dans les plus hautes couches de notre atmosphère, peuvent cependant faire varier la gamme crépusculaire du tout au tout (image 7).
Il ne faut pas oublier que, le soir et le matin, les lumières crépusculaires se mirent presque toujours dans la partie op posée du ciel. Une des plus frappantes manifestations de cette réflexion est l’alpenglün (image 8), qui débute au levant tôt après la disparition de l’astre; les sommets des montagnes et les glaciers prennent alors l’aspect d’un incendie, où le rouge sang virant au carmin finit par s’éteindre progressivement des vallées vers les cimes. Dans les régions polaires, où le soleil ne se couche jamais pendant la saison estivale, ces apparitions crépusculaires font entièrement dé faut; mais le voyageur assiste à d’autres féeries, qu’offre le soleil de minuit (image 9).
Notons encore trois merveilleuses manifestations de la lumière céleste. L’une est cette teinte d’un jaune blafard, presque mystérieuse, qui se répand dans tout l’espace au mo ment d’une éclipse de soleil, lorsque le disque, couvert par la lune, apparaît comme un cerceau enflammé (image 10). La seconde, appelée couronne lunaire, est composée d’une série d’anneaux concentriques à la lune, de couleurs variées, où le blanc domine. Cette couronne est due à la décomposition de la lumière réfléchie et réfractée par les paillettes de glace ou les fines gouttelettes d’eau suspendues dans les zones supérieures de notre atmosphère (image 11). Enfin, la troisième apparition est la lumière zodiacale (image 12). On entend par là une lueur très délicate, d’une nuance verdâtre, affectant la forme d’un long fuseau; il se projette, incliné, au travers des espaces infinis, à l’est ou à l’ouest, un instant avant le lever ou après le coucher du soleil. La lumière zodiacale trouve vraisemblablement son origine dans un anneau de poussière cosmique qui entoure le soleil, à une très grande distance; elle est le mieux visible dans nos régions au mois de novembre, vers l’est, un instant avant la naissance du jour.
par Henry R. Hall, Londres (Adapté par le Dr J. Lugeon, Zurich.)